Gabor Szilasi: L’éloquence du quotidien (2013)

© Gabor Szilasi, Motocyclistes au lac Balaton, 1954
Graham, Robert. (2013). Gabor Szilasi: L'éloquence du quotidien. Promenades Photographique édition 2013. Vendôme, France, pp. 16-17.

Gabor Szilasi, qui a fait partie de l’exode hongrois après 1956, est arrivé, à l’âge de 29 ans, au Canada où il s’est installé à Montréal. Là, en tant que participant actif, collègue attentif, il est devenu un des principaux acteurs à l’origine de la création et du développement d’une communauté de photographes contemporains à Québec.

Pendant plus de 10 ans, Szilasi a mis en oeuvre sa curiosité visuelle et sa perception aiguë de l’image pour observer les paysages, les milieux urbains et les intérieurs qu’il rencontrait. Faisant preuve d’une ouverture d’esprit et de respect, il a approché ses sujets, parfois un peu en marge, dans toute leur spécificité.

Il est allé à Charlevoix, situé sur la rive nord du St-Laurent et à l’est de Québec. Là, la population est tellement sédentaire et isolée qu’elle possède des caractéristiques presque uniques. Néanmoins, elle s’est montrée bienveillante à l’égard de ce visiteur muni d’un énorme appareil photo et parlant français avec un accent qu’elle avait rarement entendu. Les portraits qui en résultent sont simples, directs, discrets tout en étant chaleureux, emplis de particularisme, sans cynisme ni condescendance.

Lors d’une « incursion photographique», il visite un atelier de thérapie par l’art. Par la douceur, il amène les patients (ils s’appellent les Impatients) qui ont des difficultés avec leur identité, à sortir de l’ombre, se montrer, se présenter, en surmontant la différence qui existe entre malades et bien-portants.

Dans une autre série, il combine des portraits en noir et blanc et un environnement coloré (un exemple est actuellement à l’exposition de Andor Pasztor à Montréal. 1978 a été choisi, en mars 2013, par la Poste Canadienne pour figurer sur un timbre).

Pour Szilasi, le noir et blanc et la couleur exprimaient tout à fait les différents registres d’information visuelle. Il revient sans cesse sur les artefacts: la richesse d’un décor, les matériaux d’un bâtiment commercial et leurs significations, le panorama d’une rue. Alors que la majorité de la photographie contemporaine mettait l’accent sur des personnages ayant des difficultés à occuper l’espace, Szilasi montre des gens calmes qui habitent et se fondent dans leur environnement; même ses vues citadines n’expriment aucun sentiment d’aliénation urbaine ou de désespoir, car ils semblent n’éprouver ni méfiance ni reproche.

Le plaisir et la satisfaction qu’il exprime chez les autres proviennent, en partie, de son propre plaisir à prendre des photos. Sa fille, Andréa, décrit ainsi son usage d’un gros appareil photo:

« une petite danse faite de clics, de changements, de tours, de rotations ».

Szilasi est un photographe pré-moderne de l’intégration: ceci concerne, à la fois, ses sujets et leur environnement et lui, en relation avec eux. Il s’est servi de la photo pour abolir les distances, un soi-disant exotisme de la différence et de la pathologie et également afin de faire renaître un intérêt à l’égard de ce qu’on a trop souvent négligé.

Robert Graham